- 14 août 2024
- Category: Environnement, Urbanisme
Après une enquête publique qui s’est achevée le 29 février 2024, c’est le 29 juillet 2024 que le volumineux rapport de la commission d’enquête sur le PLU Bioclimatique de Paris (1034 pages) a été publié par la Ville de PARIS. En voici les aspects les plus marquants.
1. La question des emplacements réservés pour logements sociaux
Ce nouveau PLU cristallise de nombreux débats, à commencer par celui sur le « pastillage » de certains bâtiments (y compris des commerces, des bureaux et des écoles privées) qui se trouvent classés en « emplacement réservé » pour la réalisation de logements sociaux. Pas moins de 71% des contributions (10.000) portent sur cette question, les observations étant souvent rédigées par des cabinets d’avocats, appuyés de dossiers techniques établis par des architectes. La commission y a vu (certainement à juste titre) l’annonce de contentieux à venir sur le sujet.
La commission a souligné ne pas avoir compris « l’obstination » de la Ville de Paris à vouloir grever des établissements scolaires d’un emplacement réservé pour y faire du logement social alors que ces emplacements sont insignifiants pour l’effort de production de logements que souhaite la Ville. Elle pointe également l’importance de disposer d’établissements scolaires de types variés qui assurent une réelle mixité sociale des quartiers et fixent les familles dans Paris. Ces dispositions vont donc à l’encontre de l’intérêt général de la Ville qui cherche à retenir les familles.
S’agissant des immeubles de bureaux, la commission a souligné l’incitation à marche forcée semblant être initiée par la Ville pour les faire sortir des arrondissements centraux. Elle a également pointé l’insuffisance de la méthode employée pour identifier les bâtiments concernés, déplorant l’absence d’analyse fine à l’échelle du quartier.
La commission regrette en outre que la Ville n’ait pas choisi de pastiller davantage d’immeubles occupés par l’administration publique et situés dans des quartiers très déficitaires.
La commission estime encore que la Ville a « complètement » sous-estimé l’impact de la création d’un emplacement réservé sur la valorisation économique d’un immeuble dédié à une activité économique. Elle indique qu’un tel emplacement rend l’immeuble « invendable à un tiers » et « difficilement vendable à la Ville, compte tenu de la durée de la procédure du droit de délaissement peu compatible avec la fluidité des affaires »
La seule réserve prise sur le projet tient à la suppression d’emplacements réservés sur des établissements scolaires privés, un centre d’addictologie dans le 18ᵉ arrondissement et une centaine d’emplacements réservés en faveur du logement, mais dont la liste n’est pas encore connue.
2. La nouvelle servitude de mixité fonctionnelle
Cette nouvelle servitude a également mobilisé de nombreuses réactions. Celle-ci devrait s’appliquer en cas de construction neuve, reconstruction, restructuration lourde, surélévation ou extension et changement de destination ou de sous-destination. La commission a estimé que la restructuration lourde, prise seule, n’est pas adaptée pour supporter un telle servitude et que cela risque de conduire à ce que les propriétaires limitent leur rénovation pour demeurer sous le seuil de la restructuration lourde, alors que cette dernière permettrait d’obtenir de bien meilleures performances énergétiques.
Pour autant, la commission n’a pas émis de réserve sur ce point.
3. Les recommandations de la commission
La commission a demandé que « toutes les préconisations qui ont été proposées au cours du rapport retiennent l’attention de la Ville de Paris » et a notamment assorti son avis favorable de suggestions dont les suivantes :
- Mieux inventorier les bâtiments occupés par des ministères et des administrations, qui présentent des caractéristiques similaires à celles des immeubles déjà transformés avec succès par la Ville, pour les inscrire comme emplacements réservés pour des logements.
- Utiliser les conseils de quartier comme relais local dans la construction des décisions d’urbanisme (emplacements réservés, végétalisation et biodiversité).
- Exclure du champ d’application de la servitude de mixité fonctionnelle la restructuration lourde et les changements de destination ou de sous-destination partielle ; en contrepartie, la Ville pourrait supprimer l’exception permettant de réaliser la servitude par compensation.
- Tester la cohérence de l’ensemble des règles concernant les interventions sur les constructions existantes, entre elles et sur le plan économique, et adapter en conséquence les niveaux d’exigence pour assurer la possibilité de réaliser des projets vertueux.
- Revoir les critères du secteur d’encadrement des « autres hébergements touristiques » et faire évoluer si nécessaire le périmètre de ce secteur.
- Encadrer les changements de destination des activités économiques, en particulier vers les activités hôtelières et para-hôtelières. Justifier plus précisément, a minima dans le rapport de présentation, les éléments pris en compte dans le calcul de la restructuration lourde, notamment pour les façades et les fondations.
4. Et après ?
Le projet de PLU peut être modifié pour tenir compte des avis joints à l’enquête publique, des observations du public, du rapport et des conclusions du commissaire enquêteur ou de la commission d’enquête à la double condition : que les modifications apportées ne remettent pas en cause l’économie générale du projet et que les modifications procèdent de l’enquête publique.
Le document final sera soumis à l’approbation du Conseil de Paris fin 2024 (probablement lors de la séance du Conseil de Paris qui se tiendra du 17 au 20 décembre 2024) pour une entrée en vigueur début 2025.
S’ouvrira alors le délai de recours de deux mois durant lequel le tribunal administratif de Paris pourra être saisi de tout désaccord (juridiquement fondé) quant aux nouvelles règles d’urbanisme applicables.