Le 20 juin 2019, PARIS et BORDEAUX n’ont jamais été aussi loin !

Plus précisément, il s’agissait :

– d’une part, d’un projet de création d’un établissement de spectacles cinématographiques de 11 salles et 2.300 places à l’enseigne « PATHE » à PLAISANCE-DU-TOUCH dans le département de la HAUTE-GARONNE qui avait été refusé par la CNACi le 7 avril 2017 ;

– d’autre part, d’un projet de création d’un établissement de spectacles cinématographiques de 8 salles et 1.405 places à l’enseigne « MEGA CGR » à CLAYE-SOUILLY dans le département de la SEINE-ET-MARNE qui avait été refusé par la CNACi le 11 juin 2018.

Les arrêts rendus par ces cours le même jour sont sensiblement différents.

A Bordeaux, l’engagement de programmation est considéré comme sans effet

Dans le cadre du projet de PLAISANCE-DU-TOUCH (11 salles et 2.300 places à l’enseigne « PATHE ), la CNACi, qui avait été saisie notamment de recours du Médiateur du Cinéma et d’associations de défense des Cinémas d’Art et d’Essai, a relevé que le projet compromettrait la pérennité des cinémas de proximité présents dans la zone d’aménagement cinématographique (ZIC).

En effet, comme nous le savons, l’activité des cinémas de proximité est assurée principalement par les recettes des films dits généralistes et « Art et Essai porteur ». Ainsi, le projet de cinémas de onze salles aura nécessairement une influence directe sur l’accès des salles de proximité audits films et ainsi sur les conditions de fonctionnement de ces cinémas.

Dans ces conditions, la CNACi a refusé le projet.

https://www.cnc.fr/documents/36995/144958/D%C3%A9cision+du+7+avril+2017+-+Plaisance-du-Touch+%28Haute-Garonne%29.pdf/b1e9ba1c-6328-7985-ddf8-acb13a682d55

Le pétitionnaire a alors formé un recours devant la CAA de BORDEAUX qui a confirmé l’analyse de la CNACi. L’arrêt rendu, le 20 juin 2019, doit retenir notre attention, à plus d’un titre.

Tout d’abord, le juge administratif bordelais a rappelé que le financement des établissements situés en centre-ville des communes de la ZIC est assuré principalement par les recettes provenant des entrées des films dits généralistes et « Art et Essai porteur ». Dès lors que la programmation de ces films est prévue dans un multiplexe tel que celui projeté, l’accès aux films dits généralistes et « Art et Essai porteur » sera retardé, et même rendu impossible pour les cinémas de proximité.

Par ailleurs, la Cour de BORDEAUX n’a pas pris en compte les engagements de programmation pris par les cinémas « GAUMONT PATHE » car elle a considéré qu’ils étaient sans effet. En effet, il n’est pas justifié de leur caractère contraignant, dès lors qu’ils ne peuvent faire l’objet d’un contrôle du Centre National du Cinéma (CNC) ou de sanctions.

La décision de la CNACi a ainsi été confirmée par la Cour de BORDEAUX.

https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechExpJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000038670218&fastReqId=1968364953&fastPos=280

 

A Paris, les juges demandent aux cinémas Art et Essai de démontrer que l’arrivée d’un multiplex aura un impact sur leur activité…

Le même jour, la CAA de PARIS a rendu une décision allant dans un sens contraire dans une affaire assez similaire de l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt précité de la Cour de BORDEAUX, bien que le projet soit plus modeste.

Comme il a été précisé ci-dessus, il s’agissait d’un projet situé sur le territoire de la Commune de CLAYE-SOUILLY. Saisie notamment de recours d’associations de défense des Cinémas d’Art et d’Essai, la CNACi a refusé l’autorisation préalable requise pour la création d’un établissement cinématographique de 8 salles et 1.405 places à l’enseigne « MEGA CGR ».

Comme pour le multiplexe à l’enseigne « PATHE » sur le territoire de la Commune de PLAISANCE-DU-TOUCH, la CNACi a considéré que le projet entrainerait une dégradation de l’accès des salles aux œuvres cinématographiques nécessaires aux établissements de proximité. En effet, le maintien des cinémas de proximité situés dans la ZIC est assuré principalement par les entrées des films dits généralistes et « Art et Essai porteur ». Or, ces films seront programmés en priorité dans le multiplexe projeté, dès lors que ce dernier dispose d’un pouvoir de négociation plus important que celui des salles de proximité.

La CNACi a également pris en compte la circonstance que les cinémas généralistes situés dans la ZIC avaient bénéficié de soutien financier de la part du Conseil Nationale du Cinéma et de l’Image Animée (CNC).

Dans ces conditions, la CNACi a refusé le projet CGR.

https://www.cnc.fr/documents/36995/144958/D%C3%A9cision+du+11+juin+2018+%E2%80%93+Claye-Souilly+%28Seine-et-Marne%29.pdf/655813ee-a947-d3a5-de8b-85441f3a3d54

Le pétitionnaire a alors formé un recours devant la CAA de PARIS qui lui a donné raison.

Pour les juges parisiens, l’impact du projet CGR sur les l’accès des salles de proximité aux films dits généralistes et « Art et Essai porteur » ne serait pas démontré. Pis, pour la Cour,  l’arrivée d’un multiplexe appartenant à un circuit national n’est pas suffisante pour considérer que le projet compromettrait ou rendrait plus difficile l’accès des salles de proximité aux films dits généralistes et « Art et Essai porteur » par rapport à la situation existante..

Quant à l’engagement de programmation, la Cour a simplement relevé que la validité de l’engagement n’aurait pas été contestée sans rechercher si cet engagement était de nature à conférer un véritable avantage à son bénéficiaire.

Dans ces conditions, la CAA de PARIS a annulé la décision de la CNACi en date du 11 juin 2018.

https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000038678934&fastReqId=647245651&fastPos=1

Si le Conseil d’Etat est saisi, il apportera peut être un éclairage intéressant sur ces problématiques.



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