Point sur les dernières jurisprudences de la Cour de Cassation en matière d’indemnité d’expropriation

Principes de l’indemnisation en cas d’expropriation

La loi reconnaît au propriétaire d’un bien immobilier dont il est exproprié le droit d’obtenir l’indemnisation de son préjudice. Le montant de l’indemnité d’expropriation est défini à l’amiable entre l’autorité expropriante et l’exproprié. S’il n’est pas possible de trouver un accord, c’est le juge de l’expropriation qui en fixera le montant. Cette indemnité doit couvrir « l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation » (C. expro. art. L 321-1). Cette indemnité comprend l’indemnité dite « principale » de dépossession qui est définie au vu de critères d’évaluation du bien exproprié : prix du marché le plus souvent. De plus, certaines indemnités accessoires peuvent être allouées, notamment celle pour la perte de revenus locatifs (Cass. 3e civ. 8‑6‑2023 n° 22-14706) ou pour le trouble commercial par exemple en cas d’interruption temporaire de l’activité (Cass. 3e civ. 8‑6‑2023 n° 22-18309).

L’indemnité d’expropriation est fixée en fonction de l’usage effectif du bien. Son potentiel de constructibilité n’est jamais retenu, sauf à ce qu’il puisse être fait application des dispositions de l’article L322-3 du Code de l’expropriation en fonction de leur situation un an avant l’ouverture de l’enquête d’utilité publique préalable à toute procédure d’expropriation. Il sera souligné un récent arrêt, favorable aux propriétaires expropriés, par lequel la Cour de Cassation a jugé que seules les servitudes et restrictions administratives à caractère permanent peuvent être prises en compte en tant qu’éléments de moins-value pour l’évaluation du terrain (Cass. 3e civ. 28‑9‑2023 n° 22-21012).

Outre cette indemnité principale, l’exproprié a droit à une « indemnité de remploi ». Il s’agit d’une somme due « sans que l’exproprié ait à justifier de la nécessité du remploi ». Elle a vocation à « permettre l’acquisition de biens de même nature d’un prix égal au montant de l’indemnité principale, ce qui suppose qu’elle soit fixée en proportion de l’indemnité principale allouée » (Cass. 3e civ. 9‑11‑2023 n° 22-18113).

Le cas particulier du relogement de l’exproprié

Dans le cas où l’exproprié est un propriétaire occupant, il a été jugé que le relogement demandé par l’exproprié et accepté par l’expropriant obéit à un régime spécifique et ne donne pas naissance à une créance de l’expropriant sur l’exproprié. Il revient aux juges du fond d’apprécier les modalités de prise en compte du relogement lors de la fixation des indemnités (Cass. 3e civ. 16‑11‑2023 n° 23-70.011 – avis). 3 Le propriétaire n’est pas le seul ayant droit à une indemnisation en cas d’expropriation, son locataire est également concerné.

Lors de l’expropriation, l’autorité expropriante interroge le propriétaire sur l’identité de ses éventuels locataires pour leur proposer une indemnisation. Si le propriétaire néglige de donner cette information, le locataire pourra rechercher la responsabilité de son propriétaire et lui demander directement l’indemnisation de son préjudice.

Le juge de l’expropriation « choisit souverainement la méthode d’évaluation de l’indemnité de dépossession » qui est due. Le locataire a droit à une indemnité au titre d’une construction édifiée par ses soins, ceci même en présence dans son bail d’une clause de nivellement applicable en fin de bail : à la date de son éviction définitive, il était propriétaire de cette construction. Le juge n’est cependant pas tenu d’appliquer l’article 555 du Code civil pour fixer le montant de l’indemnité due au titre de la perte de la construction (Cass. 3e civ. 23‑11‑2023 n° 22-20866).

Le droit de délaissement

Lorsque le bien est grevé d’un emplacement réservé au PLU de la commune, son propriétaire peut en exiger l’acquisition par la collectivité publique concernée. Il s’agit du droit de « délaissement » (C. urb. art. L 230-1 et s.). Dans ce cas, il revient au juge de l’expropriation, à défaut d’accord amiable, d’en fixer le prix. Le propriétaire peut prétendre à une indemnisation au titre de la dépossession du bien délaissé et une indemnité de dépréciation du surplus du terrain concerné, non inclus dans l’emplacement réservé (Cass. 3e civ. 16‑2‑2022 n° 20-21310).

Le bien exproprié doit être régulièrement construit pour justifier d’une indemnisation

Il a été récemment jugé qu’en présence d’une construction irrégulière au regard du droit de l’urbanisme (sans permis de construire), cette situation justifie l’application d’un abattement en moins-value sur la valeur du bien « quand bien même la prescription de l’action en démolition » de la construction irrégulière « serait acquise »(Cass. 3e civ. 9‑11‑2023 n° 22-18545 ; Cass. 3e civ. 15-02-24, n°22-16.460, au Bulletin).

Ces dispositions devraient contribuer à une amélioration significative de la qualité de vie des habitants et à une meilleure protection des locataires.



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